Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

France, et fidèle dans ses principes et dans sa conduite à l’union intime entre la France et l’Espagne, qu’il croyoit avec raison absolument nécessaire aux deux couronnes. Cette maxime, qui n’étoit pas dans les vues ni dans les intérêts de la cour d’Angleterre, y avoit déplu. Elle en étoit moins choquée depuis qu’elle ne pouvoit plus douter des plaies que cette union recevoit, ni de celle que le régent vouloit avoir avec elle, pour ne pas dire même dépendance entière fondée sur les vues, l’intérêt et l’étrange crédit de l’abbé Dubois.

Cette confiance néanmoins de la cour d’Angleterre en un ministre étranger étoit d’autant plus marquée que le roi d’Angleterre étoit défiant et parloit peu. Ce silence étoit moins attribué à politique qu’à la crainte de parler mal à propos ou de parler contre le sentiment de ses ministres, desquels le public prétendoit que la principale application étoit de se conserver dans leurs places, et d’être si appliqués à leur intérêt particulier qu’ils n’écoutoient qu’avec répugnance et dégoût ce qui pouvoit regarder les intérêts étrangers.

C’étoit à ces dispositions que l’envoyé du roi de Sicile attribuoit le peu d’égards et d’effet de ses représentations et de ses protestations, que son maître n’avoit nulle part aux projets de l’Espagne, qu’il observeroit fidèlement les traités, surtout qu’il s’attacheroit constamment aux sentiments de l’Angleterre quand il s’agiroit de prendre parti ; mais le ministère connoissoit le caractère du roi de Sicile ; il croyoit lui faire honneur d’écouter les propos de son ministre, et de lui laisser croire par son silence, s’il vouloit, qu’il les avoit persuadés. Cet envoyé se défioit de l’union de la France et de l’Angleterre, et que plus attentives à leurs intérêts qu’à ceux du roi de Sicile, elles ne traversassent même sa réunion avec l’empereur. Il chercha donc à y travailler lui-même sans la participation des ministres d’Angleterre. Il se servit pour cela de l’envoyé de Modène à Londres, dont le