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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/163

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les autres où cet abbé pouvoit avoir quelque relation, et à le faire passer à Rome pour le plus grand fourbe du monde et le plus grand ennemi du pape.

Il en tiroit avantage pour exhorter le pape à la patience, à la dissimulation, et à se mesurer en sorte qu’il ne le mît pas hors d’état de lui rendre le moindre service. Il consentoit qu’il criât, qu’il se plaignît de l’Espagne pour contenter les Impériaux, mais à condition qu’il ne laisseroit jamais imprimer le bref qu’il avoit écrit au roi d’Espagne, parce que, s’il le permettoit, on ne pourroit plus répondre d’empêcher les grands désordres qui en arriveroient ; que c’étoit pour les prévenir qu’il avoit empêché Aldovrandi de le présenter au roi d’Espagne, déférence et prudence dont il vouloit que le pape louât son nonce et lui en sût gré. Comme le cardinal jugeoit que cette complaisance d’Aldovrandi exciteroit puissamment les Allemands à le perdre, il protestoit au pape que, s’il le rappeloit, il pouvoit assurer de voir la nonciature fermée pour longtemps, et le roi d’Espagne marcher sans mesure avec la hauteur et la dignité qui lui convenoit. Il lui disoit que le seul moyen de travailler utilement pour l’un et pour l’autre étoit que le roi d’Espagne fût puissamment armé par mer et par terre. Aussi le cardinal y travailloit-il de toutes ses forces.

Il trouvoit inutile d’acquérir pour l’Espagne des partisans à Rome par des grâces pécuniaires, dont elle ne tireroit nul service, si les affaires demeuroient en l’état où elles étoient, qui, venant à changer, on verroit bien des gens principaux de cette cour briguer à genoux la protection de cette couronne. Il menaçoit ceux de cette cour qui recevoient des grâces de celle de Vienne. Il prétendoit que le cardinal d’Albane en touchoit vingt mille écus de pension, que l’empereur l’avoit menacé de lui ôter sur le soupçon du pape avec l’Espagne depuis le mouvement de ses troupes. Là-dessus, il déclamoit contre ce cardinal neveu qui vendoit son honneur et son oncle.