Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce changement qui, mal à propos, fit soupçonner quelque négociation entre les deux cours n’en fit aucun dans l’esprit de cet abbé. Il crut toujours que le projet d’Albéroni avoit été la Sicile ; que le roi d’Espagne s’y étoit opposé ; que la Sardaigne n’avoit été qu’un amusement pour occuper et ne pas laisser la flotte et les troupes inutiles.

Le colonel Stanhope arriva cependant à Madrid, où il trouva Bubb, secrétaire, chargé jusqu’alors des affaires d’Angleterre. Tous deux virent ensemble Albéroni. Ils l’assurèrent d’abord de l’amitié du roi d’Angleterre pour le roi d’Espagne, motivèrent après ses plaintes de l’infraction de la neutralité d’Italie, dirent qu’il espéroit que le roi d’Espagne, acceptant sa médiation, enverroit incessamment un ministre à Londres pour y travailler à un bon accommodement pour prévenir un embrasement en Europe ; ils ajoutèrent qu’en ce cas le roi d’Angleterre avoit les pouvoirs nécessaires pour entamer un traité à des conditions avantageuses et honorables à l’Espagne et utiles pour assurer le repos de l’Europe. Albéroni s’emporta d’abord, invectiva contre le traité d’Utrecht qui, en donnant tant à l’empereur, avoit ôté la balance ; dit qu’il étoit contre toute politique et contre l’intérêt général de permettre que l’empereur se rendît maître de l’Italie, et conclut que le roi d’Espagne n’entreroit en aucune négociation, et n’enverroit personne à Londres s’il n’étoit auparavant informé des conditions qu’on proposoit pour l’accommodement. Les Anglois répondirent qu’il s’expliquoit d’une manière bien opposée à l’avis du régent, qui de concert avec le roi d’Angleterre avoit déjà envoyé l’abbé Dubois à Londres ; qu’à l’égard des conditions de l’accommodement ils étoient prêts de les lui expliquer.

Le cardinal les interrompit, et dit que si leurs propositions regardoient les successions de Toscane et de Parme, il en étoit suffisamment instruit ; que le roi d’Espagne ne faisoit nul cas de pareilles offres ; que, si on prenoit de