Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/173

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la Hollande de se joindre aux ennemis de la Suède, en troublant et infestant le peu de commerce qui lui restoit. On ne peut donc assez admirer que l’Angleterre osât vouloir, à visage découvert et sous prétexte d’avis d’amitié, tourner la France à un intérêt si contradictoire à ceux de cette couronne, tonneler [1] le régent en l’effrayant de cabales, et l’obliger à se défaire de ceux qui servoient le mieux les vrais intérêts de leur maître, pour leur en substituer d’autres qui ne prendroient ordres ni instructions que des ministres de Georges, comme on l’a vu depuis pratiquer à découvert après que l’abbé Dubois eut totalement subjugué le régent et par lui tout le royaume.

La paix du nord, sans l’intervention de Georges, auroit été l’événement qui l’auroit le plus sensiblement touché. Il comptoit les intérêts et son établissement sur le trône d’Angleterre sujet aux caprices et aux révolutions pour rien en comparaison de ses États d’Allemagne et de leur agrandissement. Le czar désiroit sa paix particulière avec la Suède par les avantages qu’il y trouvoit, et par la difficulté pécuniaire d’en soutenir plus longtemps la guerre. La base du traité étoit le rétablissement de Stanislas, de s’emparer de Dantzig, d’y mettre des troupes moscovites et de l’y faire régner pendant la vie de l’électeur de Saxe, dont il auroit été le successeur à la couronne de Pologne, moyennant quoi le czar espéroit faire beaucoup relâcher le roi de Suède sur les conditions de sa paix.

Le roi de Prusse entroit dans ce projet ; mais, se défiant du czar, il traitoit séparément avec la Suède. Il y eut divers projets proposés à Berlin pendant le séjour que le baron de Goertz, ministre confident du roi de Suède, fit en cette ville. Quoique le traité ne fût qu’entre la Suède et la Prusse, ce dernier prince affectoit de veiller aux intérêts du czar, son allié. Goertz offrit de laisser au czar Pétersbourg, une lisière des deux côtés du golfe de Finlande avec tous les ports et havres qui en dépendoient en l’état qu’ils se trouvoient alors,

  1. Terme de chasse : prendre piège. (Y. B.)