Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les armées au dehors sans avoir rien à craindre pour les provinces de l’Espagne, et se repaissoit ainsi de chimères.

Il désiroit sur toutes choses de ménager les Hollandois, de les aigrir contre l’empereur, et de profiter de l’occasion de se délivrer de sa crainte et de ses desseins en modérant sa puissance. Mais ses exhortations étoient vaines. Les Hollandois sentoient la nécessité du repos pour le rétablissement de leur État, et quoiqu’il y eût différents partis dans la république, tous se réunissoient à conserver la paix. Ceux qui y avoient le plus de part aux affaires ne pouvoient sortir de leurs maximes : que l’intérêt de la république étoit de s’attacher indissolublement à suivre les résolutions de l’Angleterre, et suivre ses mouvements, même avec dépendance.

Rien n’étoit plus éloigné des sentiments de la république que le concert avec l’Espagne, que les discours de Riperda, tout à Albéroni, faisoient plus que soupçonner. Il parla un jour à l’ambassadeur de Sicile de la formidable puissance que l’Espagne auroit la campagne suivante, supérieure aux forces délabrées de l’empereur, qui ne pouvoit faire sa paix avec les Turcs ; lui vanta le bonheur de la conjoncture pour établir un équilibre ; proposa l’union du roi de Sicile avec le roi d’Espagne, pour attaquer à la fois : l’un l’État de Milan, l’autre le royaume de Naples. Del Maro, étonné d’un pareil propos de l’ambassadeur de Hollande, répondit qu’il faudroit, avant de prendre un engagement dont les suites pouvoient être si périlleuses, être bien assuré des secours que pourroient et voudroient donner la France, l’Angleterre et la Hollande. Riperda osa l’assurer que la France favoriseroit secrètement l’exécution de ce qu’il proposoit. Sur l’Angleterre, il avoua qu’il n’y falloit pas compter ; mais il assura que, outre qu’il ne convenoit pas aux Anglois, par l’intérêt de leur commerce, de se brouiller avec l’Espagne, il prévoyoit tant d’embarras à Londres, que Georges n’auroit ni le temps ni le moyen de songer ni de se mêler des