Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/198

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violente contre le roi d’Espagne, mais bien que ce prince n’avoit rien à attendre de Sa Sainteté. Ce cardinal fut en même temps averti de l’intérieur du palais qu’on avoit vu sur la table du pape une lettre d’Albéroni, contenant que le roi d’Espagne étoit suffisamment pourvu de troupes et de vaisseaux pour faire par mer toutes sortes de débarquements et toutes sortes d’entreprises par terre, et que le traité en question seroit bientôt conclu.

Acquaviva, bien servi de cet intérieur du palais, en apprit en même temps qu’il s’étoit trouvé sur la table du pape une lettre du cardinal Pignatelli, archevêque de Naples, qui lui mandoit les mouvements de la ville et des provinces, où les partisans d’Espagne étoient partout fort supérieurs à ceux de l’empereur, et que tout étoit à craindre d’une subite révolution. Acquaviva recevoit lui-même souvent les mêmes avis et des sollicitations pressantes d’assistance d’Espagne. Mais cette couronne n’étant pas en état ni préparée à en pouvoir donner, on s’en tint à l’avis déjà pris de n’exposer pas les bien intentionnés pour son service.

On ne pouvoit comprendre que l’Espagne pût soutenir la guerre sans alliés, ni qu’à commencer par le pape, aucun prince d’Italie eût le courage ni les forces d’entrer dans cette ligue, ni d’y apporter quelque poids. Ils étoient tous environnés des États de l’empereur dont les derniers progrès en Hongrie fortifioient leurs chaînes. Il n’y avoit que le roi de Sicile qui pût faire pencher la balance du côté qu’il voudroit embrasser. Il envoya le comte de Provane à Paris, et fit en même temps des dispositions pour prendre un corps de Suisses à son service, ce qui fit croire qu’il avoit dessein d’entrer dans une alliance avec la France et l’Espagne pour affranchir l’Italie du joug des Allemands.

On a déjà vu les justes frayeurs du duc de Parme, à qui l’empereur ne pardonnoit pas son inclination française dans la dernière guerre du feu roi en Italie, et l’attachement naturel que lui donnoit le second mariage du roi d’Espagne.