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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/204

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confiance en ce ministre, et le régent dont le mariage du prince de Piémont avec une fille du régent seroit le lien. Le ministre de Sicile à Londres en prit une vive alarme. On a vu qu’il avoit lié une négociation directe avec l’empereur, même par le frère de l’envoyé de Modène à Londres qui étoit à Vienne, et à portée de cette confiance avec l’empereur à ce qu’il prétendoit. Un des points de cette négociation étoit le mariage d’une archiduchesse avec le prince de Piémont, ce qui auroit été renversé si ce qu’on disoit de celle du comte de Provane se trouvoit véritable. La Pérouse ne cessoit d’aliéner son maître du régent ; il se défioit beaucoup de l’abbé Dubois, et n’étoit pas plus content de Penterrieder. Ce dernier parla à l’envoyé de Modène : il ne le laissa en aucun doute qu’il ne fût instruit de la négociation dont La Pérouse avoit chargé son frère à Vienne. Il ne lui déguisa point que l’empereur vouloit avoir la Sicile de gré ou de force ; que, s’il étoit possible de convenir de cette condition par un traité, il faudroit qu’il y eût un ministre piémontois à Vienne ; mais qu’il savoit qu’il n’y seroit pas reçu s’il n’avoit le pouvoir de faire cette cession ; que l’empereur avoit des moyens sûrs de conquérir cette île, mais qu’il aimoit mieux en avoir l’obligation au roi de Sicile, aussi instruit qu’il l’étoit de la situation des affaires de l’Europe ; qu’on prendroit après les mesures nécessaires pour lui conserver les titres d’honneur et d’autres avantages encore dont il auroit lieu d’être content. L’envoyé de Modène eut curiosité de savoir quel seroit l’échange, et s’il se prendroit dans le Milanois. Penterrieder répondit que l’empereur ne pouvoit céder dans tout cet État un seul pouce de terre, mais qu’en un mot le roi de Sicile seroit satisfoit. La Pérouse, fort inquiet d’une réponse si générale, pressa son ami de lui en dire davantage. Soit que l’envoyé de Modène en sût plus en effet, ou que ce ne fût qu’un soupçon, il lui fit entendre qu’on proposeroit la Sardaigne. Cela fut soutenu de tous les langages fermes, mais caressants et flatteurs, que Penterrieder sut tenir à La Pérouse,