Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/206

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raison. Bernsdorff vendu à l’empereur dont il attendoit tout, voulut tourner en poison la réponse du roi d’Espagne ; dit qu’elle étoit concertée avec la cabale de France opposée au régent, laquelle vouloit traîner la négociation en longueur, en représentant à ce prince que, puisque le roi d’Espagne vouloit bien entrer en traité, Son Altesse Royale ne devoit rien conclure sans la participation et l’intervention de Sa Majesté Catholique. Bernsdorff savoit peut-être que les Impériaux, peu disposés à traiter, se rendroient encore plus difficiles quand ils sauroient cette réponse, et insisteroient plus fortement sur la restitution préliminaire de la Sardaigne. Les Allemands du conseil de l’empereur souhaitoient et lui conseilloient d’accorder la renonciation que le roi d’Angleterre lui demandoit comme base du traité. Mais le conseil destiné aux affaires d’Espagne, tout d’Espagnols et d’Italiens rebelles et réfugiés à Vienne, s’y opposoient de toutes leurs forces, et entretenoient l’opiniâtreté de l’empereur là-dessus. Le ministre d’Angleterre relevoit toutes ces circonstances, l’embarras et la difficulté de la négociation que leur maître entreprenoit, par conséquent le mérite de ses bonnes intentions et de ses peines.

Stanhope, dont la conduite parut toujours la plus franche dans tout le cours de cette affaire, témoigna beaucoup de joie d’apprendre par une lettre que l’abbé Dubois lui écrivit, immédiatement après son arrivée à Paris, que le régent étoit ferme dans sa résolution de conclure et de signer le traité, même sans l’intervention du roi d’Espagne, pourvu que l’empereur fit la renonciation dans les termes convenables, et qu’il accordât la satisfaction demandée pour le roi d’Espagne sur l’article de la Toscane. Le roi d’Angleterre promit d’appuyer fortement à Vienne des demandes si raisonnables. Les ministres d’Angleterre en usaient avec tant de confiance à l’égard de Penterrieder, qu’elle alloit à lui montrer les lettres qu’ils écrivoient et celles qui leur étoient écrites.