Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/207

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Cette union alarmoit beaucoup La Pérouse. Plus il voyoit ce ministère appliqué à plaire à l’empereur, plus il sentoit le danger de remettre la médiation des intérêts du roi de Sicile entre des mains qui les sacrifieroient au désir qu’ils ne cachoient pas de procurer tous les avantages à la maison d’Autriche. Provane n’étoit pas moins inquiet à Paris. Il n’oublioit rien pour découvrir l’état de la négociation, voyoit souvent le régent, hasardoit de lui faire des questions. L’arrivée de l’abbé Dubois redoubla sa vigilance. Le régent lui promit que, lorsqu’il renverroit Dubois à Londres, il lui donneroit ordre précis de communiquer à l’envoyé de Sicile tout ce qui, dans la négociation auroit rapport aux intérêts de ce prince. Provane n’en pouvoit pas demander davantage ; mais sortant de la cour de Turin, il comptoit peu sur les promesses et sur la sincérité des princes.

Ce fut en ce temps-ci qu’arriva l’éclat dont on a parlé ailleurs entre le roi d’Angleterre et le prince de Galles, à qui il étoit né un fils, et qui, mécontent de ce que le roi son père avoit nommé le duc de New-Castle pour en être le parrain, s’emporta contre ce seigneur jusqu’à le traiter fort injurieusement. Cette affaire, précédée de la continuelle mésintelligence entre le père et le fils, dont la cause a été aussi expliquée, fit augurer des troubles en Angleterre et des révolutions qui inquiétèrent fort les étrangers sur la possibilité de prendre des liaisons solides avec cette couronne. La Pérouse, qui le pensoit comme les autres, étoit persuadé aussi avec le public du peu de sincérité des négociateurs entre le père et le fils, conseilloit au roi de Sicile de ne pas compter sur les offices ni sur la médiation de l’Angleterre, mais de négocier directement à Vienne, et se flattoit que, persuadé de la solidité de ce conseil, il en estimeroit davantage la négociation directe qu’il y avoit entamée par le frère de l’envoyé de Modène à Londres, lequel frère étoit, comme on l’a vu, à Vienne. L’envoyé, son frère, qui de son côté s’entremettoit à Londres entre Penterrieder et La Pérouse,