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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/240

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Le reste de l’année 1717 s’écoula en démêlés continuels entre Law et les finances, c’est-à-dire le duc de Noailles, Rouillé et ceux dont ils se servoient le plus, et en plaidoyers que Law étoit forcé d’aller faire chez les principaux des conseils et du parlement. L’abbé Dubois, revenu de Londres à Paris où il passa jusqu’au mois de janvier, en sut profiter.

Le chancelier n’avoit pas réussi dans cette grande place. Sa servitude pour le duc de Noailles fit peur à tout le monde, jusqu’à M. le duc d’Orléans. Son louche et son gauche en matière d’État le déprisa beaucoup. Son esprit incertain, esclave des formes, puant le parquet en matière de justice et de finance, ennuya et souvent impatienta ; ses hoquets continuels à arrêter les opérations de Law déplurent et donnèrent beau jeu à l’abbé Dubois de s’espacer. Comme il connoissoit le terrain, il parla au maréchal de Villeroy, à qui il faisoit extrêmement sa cour, et l’aiguillonna à parler au régent. Il me montra aussi assez où il en vouloit venir sur le duc de Noailles pour m’exciter à en profiter, et Law m’y exhortoit pour la nécessité et le bien des affaires, qui, indépendamment de celles que Noailles gâtoit entre ses mains, périssoient entre les siennes. Le publie, indigné de la dureté de sa gestion, de l’insolence et des indécences brutales de Rouillé, crioit bien haut ; les travailleurs effectifs du conseil des finances n’en louoient pas la besogne. Dubois et Law cavoient en dessous auprès du régent et faisoient tout valoir. Villeroy, avec un air d’autorité modeste, se mesuroit par eux auprès de lui, et frappoit ses coups. Le régent m’en parloit quelquefois, quoique en garde contre ma haine. Je fus peut-être celui de tous qui lui fis le moins de mal, mais je savois par Law et par le maréchal de Villeroy tout ce qui se faisoit jour par jour, et quelquefois, quoique avec plus de réserve, par l’abbé Dubois. En voilà assez pour la préparation et pour servir de préface à l’année 1718 dans laquelle nous allons maintenant entrer.

Cette année 1718 s’ouvrit, dès le premier jour, par