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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/242

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Antoine, où le duc de Noailles avoit emprunté une fort jolie maison d’un financier appelé du Noyer, recrépi d’une charge de greffier du parlement. Ce richard, pour ses péchés, s’étoit dévoué à la protection des Biron qui, en bref, le sucèrent si parfaitement qu’il est mort sur un fumier, sans que pas un d’eux en ait eu souci ni cure. C’étoit leur coutume ; plusieurs autres les ont enrichis de toute leur substance, et en ont éprouvé le même sort. Mme de Biron en riait comme d’une fine souplesse, et comptoit leur avoir fait encore trop d’honneur.

Le chancelier et Law se rendirent de bonne heure à la Raquette. La séance y fut longue et appliquée de tous côtés ; mais elle fut l’extrême-onction des deux amis. Le régent prétendit n’avoir trouvé que mauvaise foi dans le duc de Noailles, aheurtement aveugle dans le chancelier esclave de toutes formes contre des raisons péremptoires et les ressources évidentes de Law. Je l’ai déjà dit, cet Écossois, avec une énonciation de langue peu facile, avoit une netteté de raisonnement et un lumineux séduisant, avec beaucoup d’esprit naturel qui, sous une surface de simplicité, mettoit souvent hors de garde. Il prétendoit que les obstacles qui l’arrêtoient à chaque pas faisoient perdre tout le fruit de son système, et il en sut si bien persuader le régent, que ce prince les força tous pour s’abandonner à lui.

Les esprits qui commençoient à s’échauffer en plus d’une province, par les pratiques sourdes qui s’y faisoient, eurent part à une diminution de huit cent mille livres sur la capitation, et à quelques autres grâces accordées aux états de Languedoc. Bâville, depuis trente ans roi et tyran de cette grande province sous le nom d’intendant, y contribua beaucoup ; il en étoit la terreur et l’horreur, si on en excepte un bien petit nombre de personnes. Sa surdité étoit venue à un