Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/382

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et de minorité, plus encore d’un temps où on se croyoit tout permis à Rome contre la France, pour secouer ce qu’il voulut trouver être servitude. Ainsi il nomma le prélat Négroni sans en avoir rien fait dire au cardinal de La Trémoille. Tout le mérite du nouveau vice-légat étoit d’être neveu du cardinal Négroni, si noté par l’extravagance de ses emportements contre la France. Apparemment que le pape crut aussi que plus ce vice-légat seroit reconnu partial contre la France, plus le public seroit persuadé qu’elle n’avoit point de part à sa nomination. Quelque attention qu’eût le cardinal de La Trémoille à plaire à Rome et à prévenir les moindres sujets de plaintes, il ne laissa pas de s’apercevoir de l’impossibilité de dissimuler cette innovation. Quelque peu disposé qu’il fût à se plaindre du pape, il osa néanmoins le faire. On se plaignit aussi à Rome de cette prétention, quoique si bien fondée et si établie par l’usage. On ajouta que depuis quelques années les vice-légats d’Avignon étoient au moins soupçonnés en France de favoriser les fabrications de fausse monnaie dans le royaume, et de leur donner asile dans le comtat ; que Négroni étoit rigide, attentif, prudent, fort instruit des matières criminelles, et très propre à écarter les faux-monnayeurs. On comptoit à Rome pouvoir impunément entreprendre tout contre la France ; ceux même qui devoient être le plus attachés à la couronne par les bienfaits qu’ils en avoient reçus cherchoient des protections étrangères.

Le cardinal Ottobon, qui en étoit si comblé, écrivit au cardinal Albéroni, sous prétexte de zèle pour le bien de l’Italie, pour lui proposer d’établir et d’entretenir un commerce de lettres avec lui. D’ailleurs aucun des cardinaux regardés comme François ne s’employoit à pacifier les troubles que les véritables ennemis de la France cherchoient à susciter dans le royaume, sous ombre de maintenir la bonne doctrine en soutenant la constitution. Bentivoglio, le plus enragé de tous, ne se contentoit pas d’interpréter faussement,