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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/383

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à son escient même, les intentions du régent sur les affaires de Rome. Fâché d’avoir eu ordre de le remercier de ses offices en Angleterre sur le ressentiment et les menaces de vengeance de la détention de Peterborough, il prétendit que ce prince n’avoit agi que parce qu’il savoit parfaitement que le roi d’Angleterre ne songeoit nullement à se venger du pape ; que si les bruits d’un armement de mer étoient évanouis, on ne le devoit attribuer qu’aux menaces de Monteléon, et à la juste crainte des Anglois de voir leur commerce interrompu. Ce nonce ajoutoit qu’il falloit faire connoître le juste prix des services que le régent rendoit au pape ; et sur cette supposition, il se croyoit en droit, même obligé de donner de fausses couleurs à toutes les démarches de Son Altesse Royale dont le pape auroit dû lui savoir le plus de gré.

Bentivoglio ramassoit tous les discours que le public mal instruit tenoit sur les affaires d’Angleterre, et les donnoit comme des vérités. Il avançoit hardiment que, sous prétexte de concilier et de terminer les différends entre l’empereur et le roi d’Espagne, le régent songeoit uniquement à s’unir et à faire des ligues avec les puissances principales de l’Europe, pour être secouru d’elles en cas d’ouverture à la succession à la couronne ; qu’il vouloit sur toutes choses prévenir une alliance entre l’empereur, le roi d’Espagne et le roi de Sicile, empêcher que ces princes ne convinssent entre eux pour leurs intérêts communs de faire monter le roi d’Espagne sur le trône de France, et celui de Sicile sur le trône d’Espagne, suivant la disposition des traités d’Utrecht. On ne démêloit point encore la vérité de celui qui se négocioit à Londres. Toutefois on en savoit assez pour donner au nonce lieu de dire qu’on offroit à l’empereur la Sicile, avec promesse de le laisser agir en Italie comme il le jugeroit à propos pour ses intérêts sans y former le moindre obstacle ; qu’on promettoit au roi de Sicile des récompenses dans le Milanois avec le titre de roi de Lombardie ; et qu’on espéroit