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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/385

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convenir ; mais les plaintes du pape firent peu d’effet à Madrid. Albéroni insista sur les raisons que le roi d’Espagne avoit eues de ne pas répondre au bref du 25 août, parce qu’il n’auroit pu le faire qu’en termes amers, et à peu près dans le sens que le public s’étoit expliqué sur cette pièce quand il l’avoit vue dans les gazettes. Ce cardinal prétendoit même avoir rendu un grand service au pape d’avoir gardé ce bref entre ses mains, parce qu’il ne pouvoit produire qu’un effet pernicieux. Il s’applaudissoit par avance de l’obligation que Rome lui avoit de ne s’être pas laissé endormir par les pièges des Impériaux, et de ce que le roi d’Espagne seroit incessamment maître de l’Italie ; mais il exhortoit en vain le pape et les princes d’Italie à profiter, par l’union, la force et le courage, des desseins trop déclaras de l’empereur par ses dernières réponses au nonce de Vienne.

Le duc de Parme, le plus foible et le plus menacé de tous, et qui s’étoit attiré la colère de l’empereur par le mariage de la reine d’Espagne et par les offices qu’il avoit rendus pour la promotion d’Albéroni à Rome, désiroit d’être secouru d’argent, pour mettre au moins Plaisance hors d’insulte. Son ministre étoit maître absolu en Espagne ; il lui devoit les commencements de cette fortune, et beaucoup encore sur son cardinalat. Il paraissoit avoir en vue les intérêts de son premier maître ; il suivoit ses maximes, et pensoit comme lui qu’il étoit impossible que l’Italie fût tranquille tant que les Allemands y conserveroient une seule place. Sur ce fondement, il traitoit de verbiages et d’illusoire le plan proposé à Londres. Il disoit qu’il n’étoit pas étonné de voir le roi d’Angleterre agir sous main en faveur de l’empereur, parce que depuis longtemps les engagements publics et secrets de l’électeur de Hanovre avec la maison d’Autriche étoient parfaitement connus ; mais qu’il étoit difficile de comprendre que le régent, sensible à l’honneur, aimant la gloire et connoissant ses véritables intérêts, prît des partis