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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/394

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« L’abbé Dubois, que je sais de bonne part s’intéresser à votre gloire particulière, conjure V. E. de bien peser ce que le sieur de Nancré lui dira, et de ne perdre pas cette occasion de réunir la France, l’Angleterre et la Hollande avec l’Espagne, contre l’empereur, ce qui arrivera infailliblement si elle donne les mains à ce que ces trois puissances lui proposeront, soit qu’ensuite l’empereur l’accepte ou qu’il le refuse. »

Malgré ces précautions prudentes, Albéroni sut que le billet n’étoit pas du style de Monteléon, que l’abbé Dubois l’avoit dicté, et cependant n’en fit pas grand cas. Peut-être Monteléon lui-même eut-il quelque part au peu d’impression que firent les protestations de l’abbé Dubois ; car il est certain que cet ambassadeur prétendit avoir découvert (on dit [du] moins qu’il l’écrivit à Madrid) que la France et l’Angleterre s’étoient promis réciproquement de demeurer unies pour soutenir le projet du traité, et d’employer leurs forces pour obliger l’Espagne à l’accepter si elle y résistoit.

Quoi qu’il en soit, le roi d’Angleterre continuoit d’armer par mer. On disoit sans mystère que l’escadre, qui seroit de onze navires de guerre, étoit destinée pour la Méditerranée, où elle se joindroit à sept autres navires que l’Angleterre avoit déjà dans cette mer. Le roi d’Espagne fit demander à quel usage l’Angleterre destinoit cette escadre ; et comme jusqu’alors les ministres anglois s’étoient contentés d’assurer en général que l’intention du roi leur maître étoit d’entretenir la paix et la bonne intelligence avec Sa Majesté Catholique, Monteléon eut ordre de les engager à lui donner quelque parole plus précise. Il pressa donc Stanhope de lui déclarer par écrit, au nom du roi d’Angleterre, que l’escadre qu’il faisoit armer, non seulement ne seroit pas employée contre les intérêts du roi d’Espagne, mais même qu’elle ne passeroit pas dans la Méditerranée. Comme Stanhope répugnoit à donner une pareille déclaration, Monteléon lui proposa, pour tout expédient, d’ordonner