Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/442

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de Hollande en Espagne. Le projet étoit d’en avoir sept à soixante-dix pièces de canon chacun. Ces navires devoient être achetés sous le nom de marchands espagnols. Beretti en étoit demeuré d’accord avec le Pensionnaire et d’autres membres du gouvernement. Les États de Hollande avoient autorisé les amirautés de la province à vendre les vaisseaux qu’elles pourroient avoir au delà des trente que la république faisoit armer pour la mer Baltique. C’étoit donc au delà de ce nombre que Beretti se flattoit d’en trouver sept à choisir dans les amirautés d’Amsterdam, de Rotterdam et de Zeelande. Il se vantoit d’avoir surmonté par son habileté l’opposition des provinces, parce qu’il s’agissoit d’armer trente vaisseaux pour le nord. Secondement l’empereur menaçoit la république si elle accordoit cette permission ; enfin les Anglois et les Portugois traversoient secrètement la négociation, et mettoient en usage tant d’intrigues et d’artifices pour en empêcher le succès, que Beretti ne l’attribuoit qu’à son savoir-faire, et puis à la bonne volonté que la plus saine partie de la république avoit pour le roi d’Espagne. Mais Beretti n’étoit pas encore au bout de cette affaire, quelque assuré qu’il s’en crût.

On disoit publiquement alors que le roi de Sicile entroit dans la ligue, et qu’il traitoit avec l’empereur. Le régent avoit communiqué en Espagne les avis qu’il avoit reçus de cette négociation secrète à Vienne. Cellamare en avoit officieusement averti Provane. Ce dernier, quoique peu content, rendoit cependant justice au régent. Il étoit persuadé que ce prince vouloit sincèrement procurer la paix, et qu’il la croyoit aussi conforme aux intérêts du roi et du royaume qu’aux siens personnels. Albéroni ne douta pas un moment du double manège du roi de Sicile. Persuadé que jamais il n’agissoit de bonne foi, il conclut que ce prince s’étoit proposé de voir enfin la guerre allumée de tous côtés et les Impériaux chassés d’Italie. Mais il remarquoit en même temps autant de mauvaise foi de leur part que de faiblesse,