Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/52

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s’il trouvoit que ce que je pensois fût bon, le proposer lui et moi à M. le duc d’Orléans, sinon l’oublier l’un et l’autre. Je lui dis que, peiné de voir toute la difficulté qui se trouvoit à égaler, du moins en pleine paix, la recette du roi à sa dépense, je pensois qu’il seroit à propos de réformer la gendarmerie, et même les gens d’armes et les chevau-légers de la garde, avec les deux compagnies des mousquetaires, en augmentant de deux brigades chacune des quatre compagnies des gardes du corps.

Mes raisons étoient celles-ci : il n’y a point d’escadron de ces troupes, l’un dans l’autre, qui en simples maîtres et en officiers, tout compris, ne coûte quatre escadrons de cavalerie ordinaire. Quelque valeureuses qu’on ait éprouvé ces troupes, on ne peut espérer qu’elles puissent battre leur quadruple, ni même qu’elles puissent se soutenir contre ce nombre. Ainsi, quant aux actions, rien à perdre de ce côté-là ; au contraire à y gagner, si en temps de guerre on juge à propos de faire la même dépense pour avoir le quadruple d’escadrons ordinaires en leur place ; et en attendant une épargne de plusieurs millions dont la supputation est évidente. Le courant du service dans les armées y gagneroit en toute façon. C’est une dispute continuelle sur les prétentions de la gendarmerie, qui vont toujours croissant et qui la rend odieuse à la cavalerie, jusqu’à causer toutes les campagnes des embarras et des accidents. Les maîtres ne sont point officiers, et ne veulent point passer pour cavaliers. Ils se prétendent égaux aux gens d’armes et aux chevau-légers de la garde, lesquels sont maison du roi. De là des disputes pour marcher et pour obéir, pour des préférences de fourrages, pour des distinctions de quartiers, pour des difficultés avec les officiers généraux et avec ceux du détail, et pour toutes sortes de détachements ; et comme tout cela est soutenu par un esprit de corps (on n’oseroit dire de petite république, par ce nombreux essaim d’officiers, triplés et quadruplés en charges par compagnie, dont chacun se pique à qui soutiendra