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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/6

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que ceux qu’il avoit déjà avec elle par un traité secret. Il avoit paru éluder la proposition que le régent lui avoit faite d’entrer dans la triple alliance, alarmé aussi du bruit répandu que le roi d’Angleterre y faisoit admettre le Danemark. Il n’étoit pas aisé de compter sur le roi de Prusse, léger, inconstant, plein de variations subites, et qui prodiguoit à l’empereur tout ce qu’il espéroit lui pouvoir concilier sa protection.

Il fit savoir au czar, à Paris, en mai, qu’ils ne devoient compter ni l’un ni l’autre sur l’empereur pour la conservation de leurs conquêtes sur la Suède ; qu’il étoit de leur intérêt commun de ne pas attendre que l’empereur fût débarrassé de la guerre du Turc pour traiter avec la Suède, et qu’ils ne le pourroient faire avantageusement que par le moyen de la France. C’étoit lui dire de s’attacher à cette couronne. Cet avis étoit fondé sur ce qu’il lui étoit revenu que les ministres de Vienne avoient dit à celui de Russie que, sensible à la confiance du czar, l’empereur prendroit volontiers des mesures plus étroites avec lui pourvu qu’il ne s’agît point des affaires du nord, dont jusqu’alors il ne s’étoit point mêlé, et qu’il ne pouvoit dans ces affaires exercer que son office de juge supérieur. Que d’ailleurs si le czar vouloit prendre avec lui quelques mesures sur la guerre du Turc, il en seroit fort aise.

Quelque temps après le roi de Prusse apprit que l’empereur, irrité plus que jamais du séjour des troupes moscovites dans le Mecklembourg, malgré les promesses de bouche et par écrit de les en retirer, avoit dit qu’il les en feroit sortir à main armée, et demandé à ceux qui lui représentoient les suites d’un pareil engagement s’ils craignoient les Moscovites, qu’il n’avoit, lui, aucun sujet d’appréhender. Le roi de Prusse fit communiquer ces avis aux czar, et ses soupçons des desseins secrets du roi d’Angleterre de joindre à ses troupes celles du Danemark et des princes de la basse Allemagne pour chasser les Moscovites du Mecklembourg,