Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/76

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et la Hollande insistoient à comprendre quelque autre puissance dans l’alliance avant qu’elle fût signée. Les intentions du roi de Prusse étoient également suspectes à Vienne et à Londres, parce que son caractère étoit également connu dans les deux cours.

Ce prince, uniquement occupé de son intérêt, embrassoit tous les moyens propres à y parvenir. Souvent il se trompoit dans le choix ; mais la route qu’il croyoit la plus sûre étoit d’exciter les troubles dans l’Europe. Il se flattoit d’être assez habile pour en profiter, et dans cette confiance, il entreprenoit légèrement et se désistoit encore plus légèrement lorsqu’il craignoit le péril ou l’engagement qu’il avoit pris. La crainte étoit ce qui agissoit le plus sur lui. Il n’étoit pas difficile, surtout à l’empereur, d’user de ce moyen pour le contenir. Il trembloit à la moindre menace de Vienne, et la moindre apparence de faveur de cette cour auroit pu rompre les traités les plus solennels qu’il auroit faits. Ce prince, lié avec la France, ne cessoit de protester à Vienne qu’il étoit dévoué à la maison d’Autriche. Absolument détourné, comme on l’a vu, par ses ministres de venir en France pendant que le czar y étoit, il avoit fait dire à l’empereur que la crainte de lui déplaire avoit rompu son voyage. Ainsi on conseilloit au régent d’abandonner la pensée de faire entrer le roi de Prusse dans le traité comme un projet inutile, en ce que l’accession de ce prince ne fortifieroit pas l’union qu’il s’agissoit de former avec l’empereur, et dangereux en ce que les instances que Son Altesse Royale continueroit en faveur du roi de Prusse seroient à Vienne un sujet d’ombrage et de jalousie qu’il seroit difficile de dissiper. C’est ce que disoient les ministres les plus confidents du roi d’Angleterre, les Allemands surtout, qui avoient beaucoup de complaisance pour l’empereur, lequel n’y répondoit pas avec la même franchise.

Il étoit bien aise que le roi d’Angleterre, comme prince de l’empire, eût besoin de lui, pour conserver les États