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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/86

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avoit résolu d’user de rigueur et d’éloigner de lui ceux qui, dans le parlement, avoient voté contre le général Cadogan. C’étoit là un autre point de discorde qui intéressoit la nation, laquelle, aussi bien que le prince, prétendoit que la prérogative royale ne s’étendoit pas jusque-là.

La haine entre le père et le fils éclatoit jusque dans les moindres choses. Elle devint tout à fait publique à l’occasion d’une revue d’un régiment qui portoit le nom du prince, dont le roi ne voulut pas s’approcher que le prince, qui étoit à la tête en habit uniforme, ne se fût retiré. Il obéit et dit en s’en allant que ce coquin de Cadogan en étoit cause.

Parmi ces inquiétudes Georges en avoit beaucoup de l’entreprise de l’escadre d’Espagne, dont il n’avoit aucune connoissance, et dont il en cherchoit vainement par Monteléon, qui en étoit lui-même en parfaite ignorance. On y étoit aussi très attentif en Hollande, mais avec moins d’intérêt qu’en Angleterre, parce que la république n’en avoit rien à craindre et n’étoit obligée par aucun traité de secourir l’empereur, et qu’il ne lui étoit pas inutile qu’il survint des embarras à ce prince qui le rendissent plus traitable et plus facile à terminer ce qui restoit de différends à régler sur la Barrière. On s’y apercevoit même déjà d’un grand et prompt changement de ton là-dessus du baron de d’Heems, envoyé de l’empereur à la Haye.

Beretti s’applaudissoit de cette douceur nouvelle. Il l’attribuoit aux soins qu’il avoit pris d’ouvrir les yeux aux Hollandois sur le danger des desseins et de la puissance de l’empereur, et de seconder, au contraire, ceux du roi d’Espagne. Il assuroit ce prince que la moitié de l’Angleterre lui désiroit un bon succès, moins à la vérité par affection que pour le plaisir de voir l’embarras du gouvernement d’Angleterre sur le parti qu’il auroit à prendre, et Beretti se persuadoit toute bonne volonté de la part des États généraux ; il les croyoit même peu contents de remarquer tant d’attachement du roi d’Angleterre pour l’empereur, et il comptoit que les plaintes