Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/88

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du roi d’Angleterre comme garant de la neutralité d’Italie, et comme engagé par le dernier traité à secourir l’empereur, s’il étoit attaqué dans ses États ; mais les ministres d’Angleterre suspendirent la réponse.

Peterborough se disposoit alors à passer en Italie. Quelques-uns crurent que ce voyage cachoit quelque mystère ; mais ni le roi d’Angleterre ni pas un de ses ministres ne se fiaient en lui ; pas un des partis n’avoit pour lui ni estime ni confiance. Bien des gens crurent que son but étoit de se faire considérer par les cours de l’empereur et de France, en les informant de ce qu’il pourroit pénétrer réciproquement de chacune. On lui rendoit justice sur l’esprit et le courage, dont il avoit beaucoup, même trop, et que toutes ses idées alloient à le mettre dans l’embarras, lui et ceux qu’il pouvoit engager dans ses vues.

Cependant on ignoroit également à Paris, à Londres et à Vienne, le véritable dessein du roi d’Espagne. Patiño étoit seul dans le secret du cardinal Albéroni ; et le marquis de Lede, chef des troupes embarquées, ne devoit ouvrir ses ordres qu’en mer. Ainsi les raisonnements étoient infinis sur le but de cette expédition. Outre les propos généraux que tenoit Albéroni, e fort obscurs, il fit dire précisément au Pensionnaire qu’il falloit que la Hollande choisît ou d’unir ses forces à celles de l’empereur contre l’Espagne, ou au roi d’Espagne pour donner l’équilibre à l’Europe, en commençant par l’Italie. Il avouoit à ses amis que, si sa promotion au cardinalat n’avoit pas été déclarée le jour même qu’elle la fut, il auroit lieu de la regarder comme fort éloignée ; mais qu’ayant obtenu ce qu’il désiroit, les considérations particulières ne l’empêcheroient plus d’agir pour la gloire et les intérêt du roi son maître (vérité digne de servir de leçon aux rois). Acquaviva et d’autres encore l’exhortoient à profiter de la conjoncture pour venger l’Espagne du mépris et