Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/264

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sur des discours imprudents qui ne le cachent pas ; enfin, qu’on saura bien faire entendre au roi d’Espagne combien la continuation de son union personnelle avec M. le duc d’Orléans, brouillé sans retour avec tous les grands et tous les personnages du royaume, lui seroit nuisible, et combien il lui importe de se détacher de l’un et de s’attacher les autres.

De là Belle-Ile vient à l’importance de prévenir incontinent le roi d’Espagne là-dessus, à quoi je ne saurois marquer trop de zèle et employer trop de dextérité ; surtout lui bien peindre les chefs de la cabale et ses acteurs principaux, les lui nommer en confiance, surtout les plus opposés à tout ce qui s’est fait pour l’infante, et les plus capables de faire jouer toutes sortes de ressorts pour rompre son mariage et pour la renvoyer ; enfin, lui vanter la fermeté de M. le duc d’Orléans en cette occasion ; lui persuader qu’il est plus en état que jamais d’être utile à Leurs Majestés Catholiques et d’exécuter tout ce qu’[elles] pourront désirer. Il m’exhorte avec louange d’employer tout mon bien-dire et tout mon savoir-faire pour cimenter et affermir de plus en plus l’union et le crédit de M. le duc d’Orléans avec le roi et la reine d’Espagne, et me dit franchement que c’est après mûre délibération que le cardinal me dépêche ce courrier. Belle-Ile ajoute ensuite que le chef de cette cabale est le chef des jansénistes, duquel l’objet est également la destruction de la religion, de M. le duc d’Orléans, de ses serviteurs, dont je suis l’un des plus intimes ; qu’ainsi tout doit m’engager à concourir dans les vues du cardinal Dubois pour faire avorter leurs desseins, et pour éloigner à jamais du gouvernement gens qui me sont personnellement opposés. Il me dit ensuite que son attachement pour moi, et la part qu’il a eue à me raccommoder avec le cardinal Dubois en dernier lieu, l’engagent à me parler comme il fait, lequel, malgré toute l’opposition qu’il sait que j’ai pour la préséance des cardinaux, m’avoit extrêmement désiré présent dans cette occasion