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PENSÉES D’AOÛT.


Si de toi quelque accent léger, pourtant sensible,
Comme aujourd’hui, m’apporte un écho du passé,
S’il revient éveiller en ce cœur accessible
Ce qu’il cache dans l’ombre et qu’il n’a pas laissé,

Soudain ma voix renaît, mon soupir chante encore,
Mon pleur, comme au matin, s’échappe harmonieux,
Et, tout parlant d’ennuis qu’il vaut mieux qu’on dévore,
Le désir me reprend de les conter aux cieux.


VŒU

en voyage sur une impériale de voiture, pendant que je traversais le pays



Nous ne passons qu’un instant sur la terre,
Et tout n’y passe avec nous qu’un seul jour.
Tâchons du moins, du fond de ce mystère,
Par œuvre vive et franche et salutaire,
De laisser trace en cet humain séjour !

Que la vie en nos chants éclate ou se reflète,
La vie en sa grandeur ou sa naïveté !
Que ce vieillard assis, dont la part est complète,
Qui vit d’un souvenir sans cesse raconté ;

Que la mère, et l’enfant qu’elle allaite ou qui joue,
Et celui, déjà grand, échappé de sa main,
Imprudent qui (bon Dieu !) sort de dessous la roue,
Comme un lièvre qui lève au milieu du chemin ;