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PENSÉES D’AOÛT.

Moi déjà choisissant dans tout ce qu’il faut croire,
Et toujours espérant concilier les flots ;
Toi plus ferme à Saint Pierre, y fondant ton repos.

Je vais donc et j’essaie, et le but me déjoue,
Et je reprends toujours, et toujours, je t’avoue,
Il me plaît de reprendre et de tenter ailleurs,
Et de sonder au fond, même au prix des douleurs ;
D’errer et de muer en mes métamorphoses ;
De savoir plus au long plus d’hommes et de choses,
Dussé-je, au bout de tout, ne trouver presque rien :
C’est mon mal et ma peine, et mon charme aussi bien.
Pardonne, je m’en plains, souvent je m’en dévore,
Et j’en veux mal guérir,… plus tard, plus tard encore !

Mais, quand je vais ainsi dans ce monde à plaisir,
Qu’une épreuve de plus fait faute à mon désir ;
Quand je crois avoir su quelque ombre plus obscure,
Par où se dérobait la maligne nature ;
Quand, cent fois, imprudent, à la flamme brûlé,
Je me retrouve encore à ma perte envolé,
Et qu’encore une fois, je reconnais coquettes
Nos grands hommes du jour, écrivains et poëtes,
Qui, dès qu’ils ont tiré ce qu’ils veulent de vous,
La louange en tous sens sur les tons les plus doux,
Vous laissent, vous jugeant la plume trop usée ;
Quand j’ai souffert au cœur d’une amitié brisée ;
Aussi d’un plaisir pur quand parfois j’ai joui ;
Quand des pays nouveaux et grands, comme aujourd’hui,
M’entraînent à les voir ; que le Léman limpide
Se déroule en un jour sous la vapeur rapide ;
Que d’Altorf, ou du pied du Righi commencé,
Me retournant d’abord, et l’œil sur le passé,
Je revois de plus haut le vallon du jeune âge,