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UN DERNIER RÊVE.


À bien des cœurs où la joie est ravie,
J’ai demandé du bonheur, mais trop tard !
À maint orage, éclos sous un regard,
J’ai dit : Renais, ô flamme évanouie !

Et j’ai trouvé, bien las enfin et mûr,
Que pour l’art même et sa beauté plus vive,
Il n’est rien tel qu’une grâce naïve :

Et qu’en bonheur il n’est charme plus sûr.
Fleur plus divine aux gazons de la rive,
Qu’un jeune cœur embelli d’un front pur !



Paroles, vœux d’un cœur amoureux et timide,
Redoublez de mystère et de soin caressant,
Et près d’elle n’ayez d’aveux que dans l’accent !
Accent, redevenez plus tendre et plus limpide,
Ému d’un pleur secret sous son charme innocent !
Regards, retrouvez vite et perdez l’étincelle ;
Soyez, en l’effleurant, chastes et purs comme elle :
Car le pudique amour qui me tient cette fois,
Cette fois pour toujours ! a pour unique choix
La vierge de candeur, la jeune fille sainte.
Le cœur enfant qui vient de s’éveiller,
L’âme qu’il faut remplir sans lui faire de crainte,
Qu’il faut toucher sans la troubler !