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LIVRE PREMIER.

«… et là je vous dirai dans les allées de Pomponne, à la faveur des ombres des arbres, ce que je n’estimerois pas être assez bien caché dans ce papier.» C’est à la fin de cette lettre qu’il dit des fleurs du printemps, qu’elles lui déplaisent, et parce quelles passent trop tôt, et pour ce que la plus grande part se perdent sans porter de fruits ; il préfère l’extrémité de l’automne, encore que l’on ne voie sur les arbres que des feuilles sèches et fanées : emblème fidèle ou, comme il dirait, hiéroglyphe de son talent, qui n’eut que des fruits et pas de fleurs. Qu’on voie son portrait par Champagne[1] : c’est un de ces fronts inégaux et fouillés qui ne trouvent leur beauté qu’en tournant au vieillard. — Il voudrait arracher M. d’Andilly à certaines préoccupations mondaines, à cette passion académique de phrases qu’il partage avec MM. de Balzac et de Vaugelas :

«(Le 20 d’août 1625)… Quand je vous verrai débrouillé de certaines images qui enveloppent encore vos lumières et les chaleurs passagères que vous avez pour Dieu, je deviendrai plus hardi à vous dire mes pensées. Vous ne sauriez croire comme en cela j’ai été jusqu’à présent réservé à vous dire mes pensées, et comme j’attends le temps de cette grâce qui vient du Ciel, afin que je le puisse faire avec cette discrétion que les loix de la Cour du Ciel et de la terre demandent à ceux qui parlent.»

Ces réticences perpétuelles, ces mystères dans l’amitié, excitaient d’Andilly, et il se dévouait de plus en plus[2]. Un dédain marqué et vraiment altier pour les

  1. M. Prosper Duvergier de Hauranne le possède.
  2. Pour donner idée des ténèbres de pensées et d’expression chez Saint-Cyran à cette époque, je me crois obligé à citer ; voici un début de lettre à d’Andilly : «Monsieur, en suite de ce discours de silence, de paroles et de soupirs, je vous dirai que je ne fus pas hier au soir du tout satisfait du temps que je passai chez vous : parce qu’y étant allé à autre fin et n’y étant point parvenu, j’en retournai moins satisfait. Car si les Anges sont en per-