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LIVRE DEUXIÈME.

ces actes parfaits est quelquefois capable d’effacer tout ce qu’il y a d’impur dans l’âme…

«Les bonnes qualités qu’elle avoit étoient telles qu’elles me modéroient pour leur excellence, de peur que si je lui eusse témoigné le sentiment que j’en avois, je l’eusse rendue trop affectionnée en mon endroit ; ce que je tâchois d’éviter, la voulant aimer comme l’on aime les Bienheureux, plus du cœur que de la bouche, et plus par des sentiments que par des expressions trop fortes sur lesquelles elle eût toujours renchéri.»

C’est le contraire, comme méthode, de l’affection extrême qu’épanche Fénelon dans sa Correspondance spirituelle.

La conduite de M. de Saint-Cyran à l’égard de la sœur Marie-Claire nous représente à fond (et sauf les diversités d’application) celle qu’il eut à tenir envers les autres religieuses de Port-Royal. Bossuet a donné, en son temps, de longues instructions à de simples religieuses aussi ; on pourrait comparer. Il est probable qu’on trouverait en dernier résultat celui qui est appelé l’Aigle, plus doux et plus clément. Mais un directeur est autre qu’un conseiller, et plus obligé de voir de près et de trancher. Ces pages de Saint-Cyran, avec leur ferme cachet, restent de grandes pages, et, comme profondeur et sublime de direction spirituelle, elles ne sauraient être surpassées.

Pour y ajouter à l’instant leur complément et leur correctif en ce qu’elles pourraient paraître avoir de trop souverain et de trop ordonnateur, il y a lieu d’assembler quelques autres pensées et quelques pratiques de M. de Saint-Cyran sur l'humilité. Selon lui, la véritable humilité consiste moins à se croire incapable de faire les œuvres, même grandes, qu’à se savoir pécheur et incapable de les faire autrement que par Dieu. Il a dit expressément : «Il n’y a point de plus grand orgueil que