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LIVRE DEUXIÈME.

qu’elle mène toujours à sa suite. Plusieurs de ces citations des Pères furent, il paraît bien, ajoutées après coup par le pénitent scrupuleux, comme pour justifier et sanctifier une publication trop littéraire ; mais un bon nombre de fleurs poétiques et mythologiques appartiennent certainement à l’orateur même. Mars et Neptune interviennent dans la cause d’une servante séduite par le fils d’un serrurier. A-t-il à soutenir une substitution pour la maison de Chabannes, il s’écrie : «Tous les hommes et particulièrement les grands seigneurs brûlent du désir de conserver la gloire de leurs maisons.… C’est pourquoi quand le grand Virgile veut remplir son héros d’une extrême joie, il use de ces paroles :

« Nunc age, Dardaniam prolem quas deinde sequatur
 Gloria.... etc., etc. »

Et un peu plus loin : «Dans les premiers siècles après le Déluge, les seuls enfants mâles succédoient à la principauté de la famille.» Par ce mot des Plaideurs : Avocat, ah ! passons au Déluge !... Racine se moquait un peu sans s’en douter (ou en s’en doutant), de son premier et excellent guide à Port-Royal, M.|Le}} Maître[1].

Mais rien ne trahit mieux le faux du genre que les deux plaidoyers du début. Le premier commence par une chaude invective contre Damoiselle Magdelaine de

  1. Il s’est moqué de lui une autre fois, en le sachant trop bien, dans ses petites Lettres contre Port-Royal : «… Je n’ai point prétendu égaler Des Marets à M.|Le}} Maître : il ne faut point pour cela que vous souleviez les juges et le Palais contre moi ; je recconnois de bonne foi que les plaidoyers de ce dernier sont sans comparaison plus dévots que les romans du premier. Je crois bien que si Des Marets avoit revu ses romans depuis sa conversion, comme on dit que M.|Le}} Maître a revu ses plaidoyers, il y auroit peut-être mis de la spiritualité ; mais il a cru qu’un pénitent devoit oublier tout ce qu’il a fait pour le monde…» (Seconde Lettre de Racine contre Port-Royal.) Ceci devient méchant.