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LIVRE DEUXIÈME.

vivre en communauté. En 1611, étant acolyte, il vint de Chartres à Paris, pour consulter M. de Bérulle qui travaillait à fonder sa Congrégation des Pères de l’Oratoire ; il trouva déjà M. Vincent sous lui, et c’est alors qu’eut lieu entre eux trois cette espèce de conférence en prière dont il a été parlé[1]. L’année suivante, M. Bourdoise, qui n’avait pris les Ordres supérieurs qu’à son corps défendant, parvint à fonder sa Communauté de prêtres qu’il établit bientôt à Paris proche la paroisse de Saint-Nicolas. Saint François de Sales l’y était venu voir en 1619, et l’avait fort loué de son entreprise. M. de Saint-Cyran le connut également, à partir de 1628 ; il venait assez souvent à Saint-Nicolas pour y dire la messe et y visiter la Communauté. Le bon M. Bourdoise, je l’ai dit, tenait beaucoup au dehors dans les choses cléricales ; il fit tonsurer, après quelques mois d’épreuves assez rudes, le petit Lancelot, et lui fit porter soutane, premier point de recommandation à ses yeux[2] : «Il sembloit, nous dit Lancelot, que Dieu l’eût envoyé, lui et quelques autres qui parurent presque en même temps, pour défricher ce qu’il y avoit de plus grossier dans le Clergé, pendant qu’il préparoit M. de Saint-Cyran pour nous venir montrer cette voie plus excellente, qu’il avoit découverte dans les saints Pères et dans toute l’Antiquité.»

Le jeune Lancelot, tout en obéissant au digne supérieur, sentait confusément les défectuosités. Je le lais


    égayés, sous ce titre : Éloge de piété à la bénite mémoire de M. Claude Bernard…(in-8°, 1641).

  1. Discours préliminaire, p. 9.
  2. Il est à remarquer que plusieurs ecclésiastiques alors avaient honte de porter leur habit. M. Bourdoise, dans le discours qu’il fît à la prise de soutane de Lancelot, insista sur les paroles de l’Évangile, où il est dit que le Christ sera traité avec dérision, et illudelur. Le profond ravage, produit dans la religion au sortir du seizième siècle, se trahit tout à fait à nu en ce détail.