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PORT-ROYAL.

ne faisant aucune réponse : ce que je ferois, soit que le succès en eût été bon ou mauvais, si toutefois on peut parler de la sorte ; car souvent, lorsque nous pensons qu’il est bon, il est mauvais selon Dieu, et au contraire.… Accoutumez-vous à cela et à vous remettre à Dieu,… et laissez penser aux autres ce qu’ils voudront[1]

À toutes ces idées, incomparablement relevées, de M. de Saint-Cyran sur le Sacerdoce, ajoutons encore que ce n’est pas du tout la même chose à ses yeux d’être prêtre, que d’être docteur et théologien. Il s’en explique formellement avec M. Guillebert, à qui l’on avait conseillé de laisser ses fonctions de curé pour prendre le bonnet de docteur : «Et selon saint Ambroise, pensait Saint-Cyran, être docteur, le prenant même au plus haut sens qu’on puisse donner à ce nom, qui est d’être exact et diligent observateur et interprète du sens des Écritures, est le dernier des offices de l’Église, suivant le dénombrement qu’en fait l’apôtre saint Paul au chapitre IV de l’Épître aux Éphésiens[2].» Et il cite ailleurs l’élection de saint Martin, pour montrer comment un homme qui n’a point d’autre science que celle de l’Église, s’il est dans la plénitude de la Grâce et du Saint-Esprit, peut être bien élu au Sacerdoce.

Tout ceci, en prouvant à quel point M. de Saint-

  1. Saint François de Sales, parlant des écrits qu’il faut se décider à publier si l’on a vocation d’en haut, et en dépit du qu’en dira-t-on, disait à sa manière que de s’inquiéter de ces divers jugements, ce serait craindre de voyager en été de peur des mouches. Comme c’est plus joli, mais moins grand de caractère !
  2. «Lui-même a donc donné à son Église quelques-uns pour être Apôtres, d’autres pour être Prophètes, d’autres pour être Évangélistes, d’autres pour être Pasteurs et Docteurs.» Mais il faut reconnaître qu’au verset 28, chapitre XII, de la première aux Corinthiens, l'ordre de l’énumération est différent, ce qui pourrait infirmer l’interprétation de Saint-Cyran.