currence soudaine que j’allais y rencontrer. Mais ce second volume avait paru à peine, que la face des choses changea. L’Éloge de Pascal, que l’Académie française avait mis au concours, appelait l’attention publique sur cette partie centrale et la plus brillante du tableau dont je m’étais efforcé jusque-là de mettre en lumière les parties sombres. Plusieurs talents distingués entrèrent en lice, quand, se portant à leur tête, un de leurs juges et de leurs maîtres, un grand écrivain, et l’un des plus grands esprits de ce temps-ci, promoteur et agitateur en toute carrière (c’est nommer M. Cousin), évoqua brusquement à lui la cause, entama l’œuvre avec un entrain de verve et un éclat de plume qui étaient faits pour susciter en foule les imitateurs, les contradicteurs même, et à la fois pour ralentir ceux qui ne s’attendaient point à une irruption si redoutable. Les résultats qu’on proclamait coup sur coup chaque matin étaient nouveaux, imprévus ; ils ne l’étaient peut-être pas pour ceux qui avaient de longue main étudié la matière, tout à fait autant qu’ils le semblaient au public, et, pour tout dire, aux auteurs eux-mêmes dans le premier éblouissement de la découverte ; ils étaient pourtant assez neufs et littérairement assez piquants, ils étaient surtout présentés (quand c’était M. Cousin qui parlait) avec un assez magnifique talent et dans une plénitude de langage assez au niveau des hauteurs du grand siècle pour justifier l’intérêt excité et le retentissement universel. Je sentis dès lors que le sujet au sein duquel je m’étais considéré jusque-là comme cloîtré m’échappait en quelque sorte, au
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