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PORT-ROYAL.

dans le dix-huitième siècle comme un témoin des grandes choses du dix-septième, conservant religieusement les papiers de sa famille et enregistrant la mémoire des Saints. Elle ne mourut qu’en avril 1733, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Avec le souvenir vivant de la grande époque de Port-Royal, se transmit par elle l’exemple le plus contagieux ; elle est comme un lien trop réel entre le moment de Pascal et celui du diacre Paris.

« Elle a vécu jusqu’en 1733, ne manquent pas de remarquer les chroniqueurs jansénistes, par un effet de la Providence qui l’a conservée jusqu’à cette année, pour être elle-même témoin d’un grand nombre de nouveaux miracles que Dieu a opérés par l’opération d’un saint Diacre. » Cette idée en effet, que Port-Royal, et tout ce qui y avait rapport, méritait d’être le théâtre et l’objet manifeste de faveurs surnaturelles, s’entretint continuellement depuis le miracle de la Sainte-Épine, et, redoublant à chaque persécution, contribua fort à exciter enfin le scandale des Convulsions. Du sein de la gloire des Provinciales, c’est une perspective fâcheuse qui nous est ouverte. Le mal caduc est au bout.

Et pendant que Marguerite Périer mourait ainsi dans la plénitude de ses facultés et dans les conséquences extrêmes de sa foi, louant Dieu d’avoir commencé par elle des prodiges qu’elle acceptait en aveugle, sans en voir l’excès déshonorant ; pendant qu’elle trouvait tout simple d’avoir près de son lit le portrait du diacre Paris (ô honte !) en regard peut-être de celui de Pascal, il y

    et selon des vues toutes mondaines, avec un homme du commun, c’est-à-dire avec un homme riche et de sentiments ordinaires, la sœur même de la miraculée, la jeune Jacqueline Périer, à peine âgée de quinze ans, encore élève de Port-Royal, et avant que son cœur ait parlé ! Était-ce là reconnaître chrétiennement la faveur du Ciel ? De là cette consultation de Port-Royal transmise par Pascal ; dans sa forme rigide, elle a de son côté la délicatesse. (Voir l’excellent Recueil d’Utrecht, page 398.)