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PORT-ROYAL.

pouvoir et de titre. Ils s’en plaignirent au Nonce ; et une douzaine d’entre eux, soit collectivement, soit même individuellement, M. de Gondrin, archevêque de Sens, M. Godeau, évêque de Vence, M. de Montchal, archevêque de Toulouse[1], écrivirent à leur tour au Pape pour l’informer de l’état vrai de la question et, selon eux, des dangers. Cependant la Reine-Régente de son côté, sur l’avis de Vincent de Paul, s’adressait également au Saint-Siège pour qu’il voulût se hâter de définir la foi sur ce point.

C’est par suite de toute cette manœuvre que le procès fut porté à Rome, ce que les Jésuites avaient surtout désiré ; car ils savaient l’esprit de cette Cour, sa prudence ici d’accord avec le siècle, son aversion pour les dogmes

  1. M. de Montchal, que je n’ai l’occasion de nommer qu’en passant, mourut peu après, dans le courant de cette année même 1651 ; il a laissé de curieux Mémoires ecclésiastiques et des plus hostiles au cardinal de Richelieu. Il les composa sous la régence d’Anne d’Autriche : il y a déchargé ses indignations et ses haines. Il avait montré de la générosité comme évêque, et s’était signalé par sa résistance, notamment dans l’Assemblée du Clergé tenue à Mantes en 1641. Cette résistance, toutefois, inspirée par un louable sentiment d’honneur, s’était employée uniquement dans l’intérêt et en vue des privilèges de son Ordre. Il compta parmi les approbateurs de la Fréquente Communion, et, auparavant, du Petrus Aurelius. Dans ses Mémoires, il a très-positivement attribué l’arrestation de M. de Saint-Cyran à son refus d’aider au projet de Patriarcat conçu par le cardinal de Richelieu. Le passage est formel : « L’abbé de Saint-Cyran, dit-il, personnage de grande piété et d’un éminent savoir, fut recherché et prié d’écrire pour ce Patriarche et contre le mariage de M. le duc d’Orléans. Pour l’y obliger, on lui avoit offert l’évêché de Bayonne, qui étoit le diocèse de sa naissance, et des abbayes pour ses proches ; mais, s’en étant excusé trop brusquement à la duchesse d’Aiguillon, qui avoit pris la peine elle-même de le visiter pour ce sujet, il fut bientôt après emprisonné au bois de Vincennes sous un autre prétexte. » Il est encore un endroit (tome II, page 704) où M. de Saint-Cyran est mentionné avec honneur. Malgré ces points dignes de remarque, M. de Montchal ne fut jamais pour Pont-Royal qu’un allié lointain et de rencontre.