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LIVRE TROISIÈME.

mais, comme il ne nous en avoit rien communiqué, nous fûmes bien surpris, lorsque nous la vîmes, de ce qu’elle ne contenoit rien de toutes les choses que nous voulions dire, et qu’elle en contenoit plusieurs que nous ne voulions pas dire. Cela obligea M, Périer de lui écrire pour le prier de trouver bon qu’on y changeât, ou qu’on en fît une autre ; et M. Périer se résolut en effet d’en faire une ; mais, comme il n’a jamais un moment de loisir, après avoir bien attendu, comme il vit que le temps pressoit, il manda ses intentions à mon fils, et lui ordonna de la faire. Cependant, comme mon fils voyoit que ce procédé faisoit de la peine à M. de R. (Roannez), à M. de La Chaise et aux autres, il ne se vanta point de cela, et fit comme si cette Préface étoit venue d’ici (de Clermont) toute faite. Ainsi, Monsieur, vous voyez bien qu’outre toutes les autres raisons qu’ils prétendent avoir de se plaindre, cette finesse dont mon fils a usé les choqueroit assurément. »

Malgré ces légers tiraillements intérieurs, dont rien ne parut au dehors, on arriva au résultat souhaité. On insiste beaucoup, dans la Préface de la famille, sur ce qu’on a mieux aimé donner les pensées en moindre nombre sans y rien ajouter ni changer, plutôt que de se permettre de les étendre et de les éclaircir. Quoi qu’en dise la Préface, on a souvent changé en vue d’éclaircir, et l’assertion était vraie au sens moral bien plus qu’au sens littéraire. On avait certainement tâché de rester fidèle, même dans les petits changements, à l’esprit et au but de Pascal, à ce qu’on supposait qu’il aurait fait s’il avait vécu ; pourtant le conseil d’Arnauld avait été plus suivi que la scrupuleuse famille ne le voulait avouer. Les preuves en sont devenues trop manifestes depuis l’éclatante dénonciation de M. Cousin, pour que j’aie besoin d’en fournir aucune ici. Mon seul soin est d’absoudre les premiers éditeurs d’un reproche que de tout autres qu’eux auraient plus ou moins encouru en leur place. Le livre étant destiné surtout à la conversion ou à la confirmation des lecteurs, on évita tout ce qui, d’une