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LIVRE TROISIÈME.

résultat le plus net de ce grand travail critique sur les Pensées.

Le livre évidemment, dans son état de décomposition, et percé à jour comme il est, ne saurait plus avoir aucun effet d’édification sur le public. Comme œuvre apologétique, on peut dire qu’il a fait son temps. Il n’est plus qu’une preuve extraordinaire de l’âme et du génie de l’homme, un témoignage individuel de sa foi. Pascal y gagne, mais son but y perd. Est-ce comme cela qu’il l’aurait entendu ?

La question est si bien devenue personnelle, de générale qu’elle était, qu’un vif débat (on ne saurait l’avoir oublié) s’engagea d’abord, non plus pour savoir si la cause de Pascal était fondée ou non, mais pour examiner si Pascal lui-même avait eu bien réellement la foi, et à quel degré il l’avait eue. On crut saisir, dans certaines paroles entrecoupées, ce qu’on appelait des indices de son scepticisme. Une telle idée pourtant, selon le sens ordinaire qu’on y attache, ne put tenir dans la discussion. Que le livre de Pascal n’aide plus les lecteurs à croire, c’est peut-être trop vrai ; mais qu’il ne prouve pas combien l’auteur a cru profondément, ce serait trop fort. Aussi la méprise, née d’une équivoque première, s’est vite éclaircie[1].

Maintenant est-il besoin, dans un tel état de choses, de venir faire ce qu’on aurait fait en bonne critique, si le livre avait subsisté dans son ancienne forme ? Quand tout l’effort récent d’alentour a été de décomposer et

  1. Cette équivoque (car c’en est une), la voici nettement : Dans la supposition où Pascal aurait été philosophe, il aurait été, disait-on, un philosophe sceptique ; sa manière de raisonner implique en effet le scepticisme philosophique. — Oui, mais Pascal étant chrétien et non pas philosophe, cette supposition, qui, dans le premier moment, avait été moins exprimée que sous-entendue, tombait d’elle-même.