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LIVRE TROISIÈME.

Ce n’est pas que Pascal, en écrivant, n’ait sa théorie et ses règles bien plus que Voltaire n’en aura dans sa prose. Pascal, du moment où il se mit à écrire et dès les premières Provinciales, réfléchit beaucoup sur cet art alors renaissant, et en retrouva vite le petit nombre de principes éternels. Il en a été déjà parlé dans l’étude des Provinciales[1]. Je ne puis que renvoyer à ces pensées sur le Style et sur l’Éloquence, qui sont dans toutes les mémoires : « Il faut se renfermer le plus qu’il est possible dans le simple naturel ; ne pas faire grand ce qui est petit, ni petit ce qui est grand. » Pascal avait beaucoup réfléchi à ce qui fait l’agrément, et son grand soin était de l’accorder avec la vérité : « Il faut qu’il y ait dans l’Éloquence de l’agréable et du réel, mais il faut que cet agréable soit réel. » — « Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi ; car on s’attendoit de voir un auteur, et on trouve un homme… Ceux-là honorent bien la nature, qui lui apprennent qu’elle peut parler de tout, et même de théologie. « Et dans l’Art de persuader : « Les meilleurs livres sont ceux que chaque lecteur croit qu’il auroit pu faire. La nature, qui seule est bonne, est toute familière et commune… Je hais les mots d’enflure. » Il pense, exactement comme Molière, que «quand, dans un discours, on trouve des mots répétés, et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâteroit le discours, il les faut laisser ;


    fort applaudies, il ne méritoit pas beaucoup de gloire pour cela, parce qu’il est facile d’imiter les styles maniérés, comme le sont ceux de ces deux auteurs ; mais qu’il n’en étoit pas de même du style de Pascal, et qu’il en vouloit essayer. Il en avoit en effet commencé quelque chose, mais on n’a rien retrouvé après sa mort. Ce fut en y travaillant que la pensée lui vint de faire une Satire sur l’Équivoque. — Ne pouvant réussir à son gré dans cet essai de Lettre en prose, il en revint à la Satire. » — Il fit une mauvaise Satire, n’ayant pu faire une bonne Lettre.

  1. Précédemment, chap. IX, page 102.