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PORT-ROYAL.

et il y a des pédans de toute robe, de toutes conditions et de tous états[1]. »

En parlant des objets qui font la matière ordinaire des autres Logiques, celle-ci tâche de ne s’y pas enfermer, et d’y joindre des considérations plus utiles. Elle est assez peu portée d’abord à s’exagérer la disposition judicieuse des hommes et sa propre utilité[2]. Elle croit qu’avant de leur apprendre à former des raisonnements exactement enchaînés (ce qu’ils font assez bien d’ordinaire et d’eux-mêmes), il serait plus essentiel de leur apprendre à former de bons jugements, qui sont la matière première des raisonnements, et par où surtout l’on pèche.

La Logique de Port-Royal se compose de quatre parties (sans parler des deux Discours préliminaires) ; elle considère les opérations de l’esprit sous quatre aspects : 1° Concevoir. — C’est la simple vue qu’on a des choses ou matérielles ou autres, sans en former un jugement exprès : la terre, le soleil, un rond, la pensée, l’être. La forme par laquelle on se représente ces choses s’appelle idée. La première partie de la Logique traite des idées, de leur nature, de leur origine, de leurs objets, etc.

  1. La Logique ne fait ici qu’abréger une pensée de Charron dans la préface du traité de la Sagesse : « Peut-être qu’aucuns s’offenseront de ce mot, etc. » Il y a les pédants de longue robe et les pédants de robe courte.
  2. Faisant remarquer que le sens commun n’est pas une qualité si commune qu’on le dit, elle ajoute : « Il y a une infinité d’esprits grossiers et stupides que l’on ne peut réformer en leur donnant l’intelligence de la vérité, mais en les retenant dans les choses qui sont à leur portée, et en les empêchant de juger de ce qu’ils ne sont pas capables de connoître. » On se flatte au contraire, depuis quelques années, d’avoir initié tous les esprits au vrai, c’est-à-dire d’avoir changé les vieilles conditions de la nature humaine. Il en sort les fruits que nous voyons.