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PORT-ROYAL.

nies, ou queique chose des Heures canoniales. Et lorsque M. de Beaupuis fermait sa fenêtre en faveur de quelqu’un qui lui venait rendre visite, M. Hermant disait que « c’étoit là tout le fagot dont il fallait se contenter[1]. » La seule interruption un peu considérable qu’il faisait à sa vie uniforme était un petit voyage chaque année, chaque été, vers le temps de la Fête-Dieu, à Port-Royal des Champs, pour s’y renouveler dans les bonnes dispositions qu’il y avait puisées. Il faisait ce voyage d’ordinaire avec un de ses neveux pour compagnon, à pied et à jeun, hors les toutes dernières années de sa vie, où il dut prendre un cheval[2]. Il avait six nièces reli-

  1. Mémoires sur la Vie de M. de Beaupuis, page 200.
  2. Nous avons de dernières nouvelles de M. de Beaupuis, et de tout à fait intimes, par les lettres de M. Vuillart, qu’il allait visiter chaque année à Paris, après avoir passé l’Octave du Saint-Sacrement à Port-Royal. Sa course annuelle était d’environ six semaines ; il en profitait pour voir ses amis chrétiens sur la route. Après sa station à Port-Royal, il venait à Paris, où M. Vuillart le retenait quelques jours. Au nombre des personnes de piété de leur connaissance était mademoiselle de Grignan, une fille du comte de Grignan du premier lit, dont la mère était une d’Angennes ; cette digne demoiselle était donc petite-fille de l’illustre marquise de Rambouillet. « Elle mène une vie fort retirée, écrit M. Vuillart, dans un de ces petits corps-de-logis du Val-de-Grâce, qui sont vis-à-vis de la fontaine des Carmélites. J’ai l’honneur de l’y voir quelquefois et de lui mener quelques serviteurs de Dieu qui me prennent d’ordinaire pour compagnon des visites assez rares qu’ils lui rendent, parce qu’ils sont eux-mêmes fort solitaires. L’un est M. de Tillemont, et l’autre un saint vieillard (M. de Beaupuis) qui ne la voit qu’une fois l’année, en ce temps-ci, après l’Octave du Saint-Sacrement, qu’il vient de seize lieues de son pied passer à Port-Royal-des-Champs chaque année exactement depuis cinquante ans. » (Lettre du 15 juin 1697.) M. Vuillart nous le montre ensuite partant de Paris : « J’accompagnai, dit-il, jusqu’à Tillemont au-dessus de Vincennes, entre Montreuil et Fontenay, le solitaire, ancien disciple de l’incomparable docteur, et j’y passai le jour avec lui. Il y demeura au gîte pour en partir le lendemain avec M. de Tillemont même, qui le vouloit accompagner de son pied (allure accoutumée de l’anachorète presque octogénaire) jusqu’à Boran, mai-