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APPENDICE.

« Dans la guerre tout est moral, » a dit Napoléon. Or, si cela est vrai, même de la guerre à la baïonnette, qu’est-ce donc quand il s’agit des guerres de plume et de doctrine ?


SUR LE CHEVALIER DE MÉRÉ.


(Se rapporte à la page 303.)


Le chevalier de Méré, qu’on retrouve de temps en temps pour ses rapports avec Pascal, est une figure assez bien connue. L’annotateur des Mémoires de Rapin, qui s’entend mieux aux recherches généalogiques qu’à l’usage de la langue, a dit dans une de ses notes que le chevalier de Méré était « un bel esprit peu agréable, assez célèbre, dont l’identité est débattue. » Je ne puis comprendre ce que cela veut dire, puisque chacun sait parfaitement de qui il parle quand il s’agit du chevalier de Méré, et que c’est bien d’un seul et même personnage qu’on entend s’occuper. Mais le pédantisme de ces chercheurs est arrivé à un tel point qu’ils vous diraient que vous ne connaissez pas un homme avec qui vous avez passé votre vie, si vous ne savez le premier nom de souche de sa famille. Or, la chicane n’est pas autre en ce qui concerne le chevalier de Méré. Ménage nous a dit depuis longtemps qu’il était le frère cadet de M. de Plassac-Méré, également auteur comme lui, bel esprit de société et un peu précieux. Vigneul-Marville en avait parlé aussi. Un estimable biographe bourguignon, Joly, avait donné sur lui, en 1742, une notice où il avait rassemblé tout ce qu’on savait alors sur son compte. Mais en un point Joly avait erré : il avait conjecturé en effet, tout en appelant de ses vœux des recherches plus exactes, que le chevalier de Méré pouvait bien être de la famille des Brossins. Moi-même, en janvier 1848, non plus dans une notice, mais dans un portrait et dans une sorte d’Essai qui a pour titre : Le chevalier de Méré ou de l’honnête homme au dix-septième siècle, je me suis appliqué à étudier, à caractériser le tour d’esprit et le genre de distinction de ce curieux amateur de la politesse et des lettres ; mais j’avais évité avec soin, et de peur de confusion, toute assertion généalogique trop précise[1] et je n’avais dit mot des Brossins, ces sortes de choses étant peu mon fait. De-

  1. Voir au tome III p. 89 des Portraits Littéraires, édition de 1864.