Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
PORT-ROYAL.

tances, assura le cardinal Mazarin que, dans les écrits qu’avait pu faire imprimer ce gentilhomme pour Port-Royal, il n’y avait rien qui regardât la défense du cardinal de Retz. On y crut[1].

Pour revenir à Pascal lui-même, le grand adversaire, au moment où il commença les Provinciales, il logeait encore près du Luxembourg, dans une maison qui faisait face à la porte Saint-Michel, et qui avait une sortie de derrière dans le jardin[2]. C’était le poète Patrix, officier de M. le duc d’Orléans, qui la lui avait prêtée. Mais, pour plus de sûreté, il la quitta et s’alla cacher, sous le nom de M. de Mons (encore Montalte), dans une petite auberge de la rue des Poirées, à l’enseigne du Roi David, derrière la Sorbonne et tout vis-à-vis le Collège des Jésuites. Comme un général habile, il coupait le corps ennemi. M. Périer, son beau-frère, étant arrivé à Paris sur ces entrefaites, se logea dans la même auberge ; un Jésuite, le Père de Fretat, un peu son cousin, l’y vint voir, et lui dit qu’en bon parent il le devait avertir qu’on mettait dans la Société les Provinciales sur le compte de son beau-frère, M. Pascal. M. Périer répondit comme

  1. À propos de ces impressions clandestines, les curieux peuvent lire un petit écrit de quelques feuilles : De la Liberté de la Presse avant Louis XIV, par Charles Nodier (Techener, 1834), dont voici le début : « Il y a de très-honnêtes gens qui se persuadent que la liberté de la presse est une des conquêtes de la Révolution. … » Nos documents viennent bien à côté de ceux de M. Nodier. Sur cet article de la liberté de la presse, Port-Royal parle déjà comme un libéral de la Restauration : « On voit ici, écrit l’excellent Clémencet (à propos d’une visite domiciliaire au monastère des Champs), combien les presses incommodent les ennemis des gens de bien et de la Vérité. » Bon Clémencet, vous écrivez cela au dix-huitième siècle, et Condorcet écrit la même chose : lequel des deux se trompe ?
  2. Vers l’endroit précisément où loge aujourd’hui M. Royer-Collard ; on aimerait à croire que ce fut peut-être dans la même maison, mais c’était probablement un peu plus bas, plus près de la Place.