Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/104

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dupe, tout en feignant d’écouter et d’entendre aussi quelque chose. Ce n’était qu’un jeu, mais un jeu qui nous faisait battre le cœur. Nos plaisanteries nous rassuraient et tenaient notre raison éveillée, mais je ne sais pas si nous eussions osé jouer ainsi avec l’enfer l’un sans l’autre. Je ne crois pas qu’Hippolyte l’ait essayé depuis.

Nous étions cependant un peu désappointés d’avoir pris tant de peine pour rien, et nous nous consolâmes en reconnaissant que nous n’avions pas la moitié des objets désignés dans le livre pour accomplir le charme. Nous nous promîmes de nous les procurer, et, en effet, pendant quelques jours, nous recueillîmes certaines herbes et certains chiffons. Mais comme il y avait une foule d’autres prescriptions scientifiques que nous ne comprenions pas, et d’ingrédiens qui nous étaient complétement inconnus, la chose n’alla pas plus loin.

Le flageolet de Deschartres me rappelle qu’il y avait à la Châtre un fou qui venait souvent demander à notre précepteur de lui jouer un petit air, et celui-ci n’avait garde de le lui refuser, car c’était un auditeur très attentif, le seul probablement qu’il ait jamais charmé. Ce fou s’appelait M. Demai. Il était jeune encore, habillé très proprement et d’une figure agréable, sauf une grande barbe noire qu’on était convenu de trouver très effrayante à cette époque, où l’on se rasait entièrement la figure, et où les militaires