Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/12

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promener et me distraire. Rose était une rousse forte, active et intrépide. Elle était bâtie comme un garçon, montait à cheval jambe de çà, jambe de là, galopant comme un démon, sautant les fossés, tombant quelquefois, se fendant le crâne, et ne se rebutant de rien. En voyage, elle était précieuse à ma grand’mère, parce qu’elle n’oubliait rien, prévoyait tout, mettait le sabot à la roue, relevait le postillon s’il se laissait choir, raccommodait les traits et eût volontiers, en cas de besoin, pris les bottes fortes et mené la voiture. C’était une nature puissante, comme l’on voit, une véritable charretière de la Brie, où elle avait été élevée aux champs. Elle était laborieuse, courageuse, adroite, propre comme une servante hollandaise, franche, juste, pleine de cœur et de dévoûment. Mais elle avait un défaut cruel dont je m’aperçus bien par la suite et qui tenait à l’ardeur de son sang et à l’exubérance de sa vie. Elle était violente et brutale. Comme elle m’aimait beaucoup, m’ayant bien soignée dans ma première enfance, ma mère croyait m’avoir donné une amie, et elle me chérissait en effet ; mais elle avait des emportemens et des tyrannies qui devaient m’opprimer plus tard et faire de ma seconde enfance une sorte de martyre.

Pourtant, je lui ai tout pardonné, et chose bizarre, malgré l’indépendance de mon caractère et les souffrances dont elle m’a accablée, je ne l’ai jamais haïe. C’est qu’elle était sincère, c’est