Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

craignais plus que tout, les reproches de ma grand’mère, elle ne m’y exposa jamais, elle m’en préserva toujours. Elle eût menti au besoin pour m’épargner son blâme, et quand mes légères fautes m’avaient placée dans l’alternative d’être battue par ma bonne ou grondée par ma grand’mère, je préférais de beaucoup être battue.

Pourtant, ces coups m’offensaient profondément. Ceux de ma mère ne m’avaient jamais fait d’autre mal et d’autre peine que le chagrin de la voir fâchée contre moi. Il y avait longtemps d’ailleurs qu’elle avait cessé entièrement ce genre de correction, qu’elle pensait n’être applicable qu’à la première enfance. Rose, procédant au rebours, adoptait ce système à un âge de ma vie où il pouvait m’humilier et m’avilir. S’il ne me rendit point lâche, c’est que Dieu m’avait donné un instinct très juste de la véritable dignité humaine. Sous ce rapport, je le remercie de grand cœur de tout ce que j’ai supporté et souffert. J’ai appris de bonne heure à mépriser l’injure et le dommage que je ne mérite pas. J’avais vis-à-vis de Rose un profond sentiment de mon innocence et de son injustice, car je n’ai jamais eu aucun vice, aucun travers qui ait pu motiver ses indignations et ses emportemens. Tous mes torts étaient involontaires et si légers, que je ne comprendrais pas ses fureurs aujourd’hui si je ne me rappelais qu’elle était rousse, et qu’elle avait le sang si chaud qu’en plein