Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/221

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et il avait un bras fracassé par un boulet, répondit le général. On a pu l’emporter à l’ambulance ; il a encore vécu après l’événement, on espérait le sauver ; mais depuis longtemps nous n’avons plus de ses nouvelles, et tout porte à croire qu’il n’est plus. Un autre a pris le commandement du régiment. Pauvre Sourd ! Je le regretterai toute ma vie ! »

Comme il disait ces mots, la porte s’ouvre. Un officier mutilé, la manche vide et relevée dans la boutonnière, la figure traversée de larges bandes de taffetas d’Angleterre qui cachaient d’effroyables cicatrices, paraît et s’élance vers ses compagnons. Tous se lèvent, un cri s’échappe de toutes les poitrines, on se précipite sur lui, on l’embrasse, on le presse, on l’interroge, on pleure, et le colonel Sourd achève avec nous ce déjeûner qui avait commencé par son éloge funèbre.

Le lieutenant-colonel Féroussac, qui avait commandé le régiment en son absence, fut heureux de lui rendre son autorité, et Sourd voulut être licencié à la tête de son régiment, qui le revit avec des transports impossibles à décrire.

Je dois ici un souvenir à M. Pétiet, aide-de-camp du général Colbert, qui fut pour moi d’une bonté vraiment paternelle, toujours occupé de jouer avec moi comme un excellent enfant qu’il était encore, malgré son grade et ses années de service, qui commençaient déjà à compter.