et de voir par les yeux de l’imagination tout ce passé qui se ranimait devant moi.
Il est vrai aussi que, n’étant pas tous les jours dans cette disposition poétique, et pouvant impunément en prendre à mon aise, il m’arriva parfois de copier presque textuellement les pages du livre dont j’étais chargée de rendre le sens. Mais c’étaient mes jours de langueur et de distraction. Je m’en dédommageais avec plaisir quand je sentais la verve se rallumer.
Je faisais un peu de même pour la musique. J’étudiais pour l’acquit de ma conscience les sèches études que je devais jouer à ma grand’mère ; mais quand j’étais sûre de m’en tirer passablement, je les arrangeais à ma guise, ajoutant des phrases, changeant les formes, improvisant au hasard, chantant, jouant et composant musique et paroles, quand j’étais bien sûre de ne pas être entendue. Dieu sait à quelles stupides aberrations musicales je m’abandonnais ainsi ! j’y prenais un plaisir extrême.
La musique qu’on m’enseignait commençait à m’ennuyer. Ce n’était plus la direction de ma grand’mère. Elle s’était imaginé qu’elle ne pourrait pas m’enseigner elle-même la musique, ou bien sa santé ne lui permettait plus d’en garder l’initiative ; elle ne me démontrait plus rien, et se bornait à me faire jouer en mesure la plate musique que m’apportait mon maître.
Ce maître était l’organiste de la Châtre. Il