Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/77

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si vous oserez faire cette injure à mes cheveux blancs.

À ce même déjeuner, vers le dessert, comme l’archevêque devait venir dîner chez moi, le curé, apostrophant mon frère qui était à côté de lui et croyait lui parler tout bas, lui cria en vrai sourd qu’il était : « Ah çà, emmenez-le donc et débarrassez-moi de tous ces grands messieurs-là, qui me font une dépense de tous les diables et qui mettent ma maison sens dessus dessous. J’en ai prou, et grandement plus qu’il ne faut pour savoir qu’ils mangent mes perdrix et mes poulets tout en se gaussant de moi. » Ce discours tenu à haute voix au milieu d’un silence dont le bon curé ne se doutait pas, mit Hippolyte dans un grand embarras ; mais voyant que l’archevêque et le grand-vicaire en riaient aux éclats, il prit le parti de rire aussi, et on quitta la table, à la grande satisfaction de l’Amphytrion et de Manette qui, croyant cacher leurs pensées, les disaient tout haut, à la barbe de leurs illustres hôtes.

Vers la fin de sa vie, notre curé eut une émotion qui dut la hâter. Il avait la manie de cacher son argent comme beaucoup de vieillards qui n’osent le placer, et qui se créent un tourment avec les économies destinées à faire la sécurité de leurs vieux jours. Il avait mis les siennes dans son grenier. Un voisin, qu’il avait pourtant, dit-on, comblé de bienfaits, se laissa tenter, grimpa la nuit par les toits, pénétra par