Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/813

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ouvant que j’étais folle de me tant affecter de ces inégalités d’humeur, qui lui semblaient de bien petites choses en comparaison de la salle de police et des coups de torchon du régiment.

Mme Dudevant vint faire sa visite officielle à ma mère. Elle ne la valait certes pas pour le cœur et l’intelligence, mais elle avait des manières de grande dame et l’extérieur d’un ange de douceur. Je donnai tête baissée dans la sympathie que son petit air souffrant, sa voix faible et sa jolie figure distingué inspiraient dès l’abord, et m’inspirèrent, à moi, plus longtemps que de raison. Ma mère fut flattée de ses avances qui caressaient justement l’endroit froissé de son orgueil. Le mariage fut décidé ; et puis il fut remis en question, et puis rompu, et puis repris au gré de caprices qui durèrent jusqu’à l’automne et qui me rendirent encore souvent bien malheureuse et bien malade ; car j’avais beau reconnaître avec mon frère qu’au fond de tout cela ma mère m’aimait et ne pensait pas un mot des affronts que prodiguait sa langue, je ne pouvais m’habituer à ces alternatives de gaîté folle et de sombre colère, de tendresse expansive et d’indifférence apparente ou d’aversion fantasque.

Elle n’avait point de retours pour Casimir. Elle l’avait pris en grippe parce que, disait-elle, son nez ne lui plaisait pas. Elle acceptait ses soins et s’amusait à exercer sa patience, qui n’était pas grande, et qui pourtant se soutint avec l’aide d’Hippolyte et l’intervention de Pierret. Mais elle m’en