Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/201

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factumfatto, captīvumcattivo) est un fait combinatoire, puisque le premier élément a été assimilé au second. L’umlaut allemand est dû aussi à une cause externe, la présence de i dans la syllabe suivante : tandis que gast ne change pas, gasti donne gesti, Gäste.

Notons que dans l’un et l’autre cas le résultat n’est nullement en cause et qu’il n’importe pas qu’il y ait ou non changement. Si par exemple on compare got. fisks avec lat. piscis et got. skadus avec grec skótos, on constate dans le premier cas persistance de l’i, dans l’autre, passage de o à a ; de ces deux sons, le premier est resté tel quel, le second a changé ; mais l’essentiel est qu’ils ont agi par eux-mêmes.

Si un fait phonétique est combinatoire, il est toujours conditionnel ; mais s’il est spontané, il n’est pas nécessairement absolu, car il peut être conditionné négativement par l’absence de certains facteurs de changement. Ainsi le k1 indo-européen devient spontanément qu en latin (cf. quattuor, inquilīna, etc.), mais il ne faut pas qu’il soit suivi, par exemple, de o ou de u (cf. cottīdie, colō, secundus, etc.). De même, la persistance de i indo-européen dans got. fisks, etc. est liée à une condition : il ne faut pas qu’il soit suivi de r ou h, auquel cas il devient e, noté ai (cf. wair = lat. vir et maihstus = all. Mist).

§ 3.

Points de méthode.

Les formules qui expriment les phénomènes doivent tenir compte des distinctions précédentes, sous peine de les présenter sous un jour faux.

Voici quelques exemples de ces inexactitudes.

D’après l’ancienne formulation de la loi de Verner, « en germanique tout þ non initial a été changé en ð si l’accent le suivait » : cf. d’une part *faþer→*faðer (all. Vater), *liþumé→*liðumé all. litten), d’autre part, *þris (all. drei), *brōþer (all. Bruder), *liþo all. leide), où þ subsiste).