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dans fidèle et dans pied : c’est une voyelle ; mais elle est sonante dans fidèle et consonante dans pied. L’analyse montre que les sonantes sont toujours implosives et les consonantes tantôt implosives (par exemple dans l’anglais boi͐, écrit « boy » ) tantôt explosives (par exemple dans le français p᷾y᷾e͐, écrit « pied » ). Cela ne fait que confirmer la distinction établie entre les deux ordres. Il est vrai qu’en fait, e o a sont régulièrement des sonantes ; mais c’est une simple coïncidence : ayant une plus grande aperture que tous les autres sons, ils sont toujours au commencement d’un chaînon implosif. Inversement les occlusives, qui ont l’aperture minimale, sont toujours consonantes. Dans la pratique ce sont les phonèmes d’aperture 2, 3 et 4 (nasales, liquides, semi-voyelles) qui jouent l’un ou l’autre rôle selon leur entourage et la nature de leur articulation.

§ 5.

Critique des théories de la syllabation.

L’oreille perçoit dans toute chaîne parlée la division en syllabes, et dans toute syllabe une sonante. Ces deux faits sont connus, mais on peut se demander quelle est leur raison d’être. On a proposé diverses explications :

1o Remarquant que certains phonèmes sont plus sonores que d’autres, on a cherché à faire reposer la syllabe sur la sonorité des phonèmes. Mais alors pourquoi des phonèmes sonores tels que i et u ne font-ils pas nécessairement syllabes ? Et puis, où s’arrête la sonorité, puisque des fricatives comme s peuvent faire syllabe, par exemple dans pst ? S’il s’agit seulement de la sonorité relative de sons en contact, comment expliquer des groupes tels que w᷾l͐ (ex. : indo-europ. *wlkos « loup » ), où c’est l’élément le moins sonore qui fait syllabe ?

2o M. Sievers a le premier établi qu’un son classé parmi les voyelles peut ne pas donner l’impression de voyelle (nous avons vu que par exemple y et w ne sont pas autre chose