Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/29

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On ne peut raisonnablement attribuer le décroissement de la population noire à d’autre cause qu’à l’esclavage. Détruisez ce fléau qui féconde le germe de toutes les misères, qui porte en soi le principe de cette effrayante mortalité, et vous n’aurez plus besoin d’aller ravager l’Afrique pour repeupler les Antilles. La Guinée, malgré l’énorme tribut d’hommes qu’elle paie chaque année aux nations civilisées, est-elle donc jamais déserte ? Et les colonies menacent toujours de le devenir !

« Les progrès de la traite furent tellement rapides, dit Fossard[1], que si l’on n’évalue qu’à 36,000 le nombre moyen des nègres importés annuellement de la Guinée, et qu’on le multiplie par la somme des années qui se sont écoulées depuis le commencement de la traite, on verra qu’il forme un total de plus de dix millions de citoyens perdus pour leur patrie. Mais si l’on considère que chaque nègre tiré d’Afrique coûte au moins cinq individus tués dans les batailles, par les longues marches ou par le désespoir, on reconnaîtra avec horreur que la cupidité de l’Europe à ravi à l’Afrique au moins soixante millions d’habitans. »

« Désormais, continue-t-il, ne demandons plus ce que coûte intrinsèquement le sucre, le café, ou

  1. La cause des esclaves nègres portée au tribunal de la justice de l’humanité et de la politique.